Réforme constitutionnelle : il faut préserver la concurrence entre les institutions

Réforme constitutionnelle : réduire la liberté des parlementaires est malvenu, à la fois d’un point de vue théorique et historique.

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Réforme constitutionnelle : il faut préserver la concurrence entre les institutions

Publié le 2 juin 2019
- A +

Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

Les premières pistes de la réforme constitutionnelle voulue par le président de la République ont été révélées par L’Opinion le 12 avril 2018. Leur résultat est simple : « Le Parlement va être bridé ». En réduisant la concurrence entre les institutions, le projet organise une concentration croissante du pouvoir entre les mains de l’exécutif.

Sur le papier, le gouvernement rationalise le travail des assemblées au nom de l’efficacité : les petits grains de sable qui émaillent la procédure parlementaire seront toujours moins nombreux pour que la volonté du pouvoir exécutif puisse trouver une traduction législative plus rapide. C’est oublier un peu vite que la mission de contrôle du gouvernement par le Parlement a un prix : elle exige du temps et ne se fait pas sans heurts. Réduire la liberté des parlementaires est malvenu, à la fois d’un point de vue théorique et historique.

La menace centralisatrice des institutions

Dans une démocratie, la concentration du pouvoir politique est une menace. Montesquieu l’avait théorisé : la séparation des pouvoirs a pour objectif de freiner chacun d’entre eux, afin de le soumettre au contrôle des autres. Le sage bordelais écrivait :

Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir.

Madison a poussé ce raisonnement plus loin encore, ajoutant à la segmentation verticale des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire) une séparation horizontale par le fédéralisme. Dans l’esprit des founding fathers américains, la concurrence entre les institutions est le sel de la démocratie : la confrontation des pouvoirs, autonomes, préserve la liberté.

Au-delà de cet équilibre classique, l’histoire récente enseigne qu’il est sain de mettre un frein à l’élan expansionniste de l’État. C’est lui qui a été, au XXe siècle, le vecteur des pires abominations, conduisant à l’asservissement des nations et l’appauvrissement des peuples, des camps d’exterminations nazis au goulag soviétique. L’État n’est pas un bienfait sans reproche mais un mal nécessaire à l’utilité certaine.

Nécessité de la confrontation des opinions

C’est de la confrontation des intérêts et des opinions que naissent les équilibres de la société, non d’un grand dessein administratif.

En 2015, un sondage Ifop pour Atlantico révélait que 65 % des Français seraient prêts à ce que « la direction du pays soit confiée à des experts non élus qui réaliseraient ces réformes nécessaires mais impopulaires » (55 % en 2018). Les technocrates en rêvent, eux qui conçoivent le gouvernement du pays comme l’administration de plans savamment préparés par les meilleurs esprits.

De leur point de vue, tout ce qui ralentit leur réalisation se dresse contre l’intelligence et  freine le redressement du pays. En ce sens, les élus sont plus des nuisances que des représentants légitimes de l’expression des citoyens. Comment d’ailleurs pourraient-ils l’être vraiment, pris dans leurs projets de réélection, alors que les hauts fonctionnaires sont spontanément investis du sens de l’intérêt général ?

Préserver la liberté

En réduisant les nécessaires points de contrôle du pouvoir exécutif, aussi lourds et pénibles fussent-ils, le gouvernement cède à la tentation de la diminution de la conflictualité entre les pouvoirs. Or, c’est de la confrontation des intérêts et des opinions que naissent les équilibres de la société, non d’un grand dessein administratif.

Ces frictions préservent la liberté : elles sont le cœur de la politique. Plutôt que d’étouffer la concurrence entre les institutions, le gouvernement devrait l’entretenir, par exemple en mettant au service du Parlement une expertise (la Cour des comptes ?) qui renforce sa capacité de contrôle.

Article initialement publié en avril 2018.

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  • le socialisme finit toujours par la concentration des pouvoirs, la privation de liberté, et la neutralisation des effets électoraux..
    Avec la menace de la religion verte , le racket fiscal et les confiscations a venir ,il est logique de bricoler la constitution avec l’objectif de priver le citoyens de leur liberté.
    Verrouiller le vote avec le scrutin uninominal a 2 tours, inscrire dans la constitution le souffle des nouveaux ayatollah verts..
    tout ceci procède de l’arrivée d’une dictature..
    Et les français ont une abstention a 50%.. on ne devrait pas attendre longtemps pour les entendre chialer…la bouche pleine

  • Oui, les technocrates se servent de mesures techniques pour camoufler leurs visées idéologiques. En réalité, ils détestent la démocratie. Le mépris du peuple affiché par Macron à plusieurs reprises en témoigne, de même que le référendum trahi de 2005 et les multiples manipulations préélectorales. (Ils sont tellement c.. que ça va encore marcher…)
    Retrouver la démocratie supposerait le pluralisme de l’information. C’est pour ça qu’ils s’emploient à l’endiguer.

  • La phrase “les hauts fonctionnaires sont spontanément investis du sens de l’intérêt général” me fait penser à l’information que Macron compte se débarrasser des hauts fonctionnaires qui ne sont pas d’accord avec sa politique.
    Or dans la tradition française, ils sont en effet au service de l’Etat, quel que soit le parti au pouvoir. Mesure-t-on ce que signifie ce limogeage?
    Après l’Assemblée au service de Macron, la Constitution selon Macron, l’appareil d’Etat inféodé à Macron, les médias muselés par Macron, que faudra-t-il pour que les Français réagissent et cessent de voir l’extrémisme là où il n’est pas, tout en ne le détectant pas là où il est?

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